Les Prud'hommes sont-ils indispensables ?

Publié le par Patrick Kaczmarek

Nouvelle menace sur la justice prud’homale : un projet de réforme remet en cause l’oralité de la procédure, qui garantit l’accès au droit des plus faibles. Réagissez !

Á peine remis de la suppression, en 2008, d’une soixantaine de tribunaux et de la réforme de l’indemnisation des conseillers, les prud’hommes sont de nouveau attaqués. Le gouvernement vise le cœur de l’institution, à travers deux de ses piliers : l’oralité de la procédure et l’audience de conciliation. Michèle Alliot-Marie a annoncé, le 19 octobre, qu’il allait être donné « une plus grande place à l’écrit » dans la procédure prud’homale. La garde des Sceaux a précisé qu’un décret en ce sens était soumis au Conseil d’État. La procédure est aujourd’hui orale, sans recours obligatoire à un avocat. Second volet de la réforme, la ministre a précisé que l’Assemblée nationale allait débattre prochainement d’une « procédure participative », permettant « le développement du règlement amiable entre salariés et employeurs ». Au nom d’une justice plus efficace, « des négociations entre les parties, assistées par un avocat, pourront déboucher sur des accords, homologués par les juridictions. En cas de désaccord, le travail préalable de mise en état permettra d’accélérer les procédures », indique le ministère dans un communiqué. Fin juillet, à peine nommé, le secrétaire d’État à la justice, Jean-Marie Bockel, avait évoqué ces réformes, avant d’être contredit par la Chancellerie. Elles touchent à la spécificité de l’institution prud’homale. « Même si un minimum d’écrit est toujours nécessaire, l’oralité permet à n’importe quel salarié, quelles que soient ses capacités, de saisir les prud’hommes », explique Gilles Soetemondt, vice-président (CFDT) de la section commerce du conseil des prud’hommes de Paris. Une procédure « réduirait l’accès au droit des plus faibles », prévient-il. Quant à la « procédure participative », elle vise la conciliation, une autre spécificité des prud’hommes. Le bureau de conciliation, qui siège à huis clos, doit chercher à concilier les parties. Mais il a aussi des pouvoirs très étendus, « rarement utilisés, du fait de la réticence des juges employeurs », estime un syndicaliste : quand il est composé par des juges actifs, il peut ordonner la délivrance de pièces, des mesures d’instruction, la mise en état du dossier. « La procédure participative exige un avocat, qu’il faudra payer, et exclut les délégués syndicaux », conteste Bernard Augier, président du conseil des prud’hommes de Lyon et membre du Conseil supérieur de la prud’homie, une instance qui n’a pas été consultée sur la réforme. « Elle court-circuite la conciliation, l’affaiblissant au lieu de la renforcer ».

Lucy Bateman

Publié dans FAITS DE SOCIETE

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