COURS A DESTINATION DE L ECOLE DE SAGES FEMMES DU CHU D AMIENS

Publié le par Patrick Kaczmarek

 

 

L’ I.V.G est un fait de société. C’est toujours un enjeu idéologique. L’orthogénie c’est la planification et le contrôle des naissances en particulier par l’avortement terme qui est de moins en moins utilisé peut-être parce qu’il a une connotation criminelle. L’orthogénie est un élément structurant de la société. Sur une période de trente ans une femme sur deux demande une I.V.G. :

         En 2003

        5154 IVG en Picardie (pas forcément des Picardes) env 1100 IVG à Amiens.

         11,4 IVG pour 1000 femmes de 15-49 ans.

         10e taux national ; moyenne nationale 14,1

         2e rang pour les IVG  chez les mineures (8,2% contre 5,4% en France)

         Un peu différent le nombre de femmes picardes ayant 18,5 IVG  pour 1000 naissances.

         7e taux le plus faible en métropole ?

Notre propos cet après-midi se décompose en trois temps à la demande de vos enseignants :

-      rappel historique

-      déroulement de l’I.V.G

. I.V.G par aspiration : AL, AG

.I.V.G médicamenteuse : à l’hôpital, à domicile.

-      aspects psychologiques qui seront essentiellement abordés par nos collaboratrices compétentes

 

A – RAPPEL HISTORIQUE

 

L’I.V.G a été de tout temps pratiquée. On trouve les modalités d’exécution dans le « Traité de gynécologie » de Soranos d’Ephèse en l’an 143 après J.C.

 

Parfois toléré, souvent condamné au fil de l’histoire l’avortement a été selon les époques un crime ou un délit. L’I.V.G est dorénavant dépénalisée. Ce qui veut dire qu’une « faiseuse d’ange » qui commettrait une faute grave ne sera plus poursuivie par le droit pénal mais par le droit de la santé.

         Une première loi votée le 23 juillet 1920 sanctionne la complicité et la provocation à l’avortement ainsi que toute propagande anticonceptionnelle. Elle entrave aussi la contraception féminine mais autorise la vente de préservatifs. Ensuite trois autres lois vont être votées et durcir celle promulguée en 1920.

        Mais c’est à partir des années 1960 que vont s’intensifier des campagnes autour du droit à l’avortement et à la contraception. Ainsi, la loi Neuwirth va être votée le 27 décembre 1967 autorisant la contraception. Mais elle est alors restrictive, la contraception n’est pas accessible aux mineures sans l’autorisation parentale (majorité à 21 ans). Il existe un contrôle médical par carnet à souche pour la vente des contraceptifs oraux et une interdiction de toute publicité même indirecte concernant la contraception.

         C’est ensuite dans les années 1970 que différents mouvements vont agir en faveur d’une législation de l’avortement et du droit à la contraception.

        C’est grâce à la volonté du député Simone Veil que sera promulguée la loi du 17 janvier 1975 relative à l’interruption volontaire de grossesse et que depuis cette date l’avortement est légal, dans un cadre réglementaire clair.

 

A) Loi VEIL de Novembre 1974 parution journal officiel

La loi VEIL autorise l’interruption d’une grossesse à la seule demande de la femme.

-              L’I.V.G peut-être pratiquée chez une femme se trouvant en « situation de détresse ». Cependant, la femme reste seule juge de cette situation qui n’est soumise à l’appréciation d’aucune commission.

L’I.V.G doit alors être pratiquée avant la fin de la dixième semaine de grossesse ou 12 semaines d’aménorrhées (ART.L 162.1 du CSP) par un médecin et dans un établissement hospitalier, public ou privé, agréé.

 

Depuis l’arrêté du 22 février 1983, l’IVG est remboursée par la sécurité sociale et elle est strictement tarifée.

 

Les IVG ne peuvent être pratiquées que par un médecin pour l’instant.

Elles doivent faire l’objet d’une déclaration anonyme à l’établissement où elles se pratiquent.

Toutefois, le médecin consulté peut refuser l’IVG. De même les personnels affectés dans les services où l’on pratique des IVG peuvent ne pas souhaiter y demeurer. C’est ce que l’on appelle la clause de conscience.

La seule exigence réside pour le médecin, dans l’obligation d’en avertir la femme lors de la première consultation, de sorte qu’elle puisse consulter ailleurs et ne pas être en situation de dépassement de délai au-delà  duquel elle ne pourrait plus subir d’IVG.

        En Picardie seuls deux établissements privés prennent en charge les IVG.

 

B) LOI SUR L’IVG du 30 novembre 1979

 

         Le texte définitif de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse est voté par 271 députés contre 201. Ce nouveau texte remplace le texte provisoire de novembre 1974 adoptée pour 5 ans.

         A noter qu’aujourd’hui aucun établissement ne peut dépasser 25% d’IVG par rapport aux autres actes opératoires réalisés. La clause de conscience est maintenue.

 

C) NOUVELLE LOI du 4 juillet 2001

 

         La nouvelle loi du 4 juillet 2001 apporte  3 modifications importantes :

 

-      DELAI :

Il est porté à 12 semaines de grossesse, c'est-à-dire 14 semaines d’aménorrhées.

 

-      L’ENTRETIEN :

Avec une conseillère conjugale n’est plus obligatoire pour une adulte mais il sera systématique proposé. Il reste obligatoire pour une mineure.

 

-      L’AUTORISATION PARENTALE POUR LES MINEURES :

Dans la mesure où la mineure s’estime dans l’impossibilité de demander à l’un de ses parents, l’autorisation d’IVG, elle pourra choisir un adulte qui sera son « référent » pour l’accompagner dans ces démarches.

La femme doit observer un délai d’une semaine de réflexion entre le moment où elle a demandé l’IVG et l’intervention, délai qui peut être raccourci si le médecin l’estime souhaitable ou nécessaire. Au cours de cette semaine, n’importe quel jour mais au-delà de 48 heures avant l’intervention elle peut bénéficier d’un « entretien psychologique et social » avec une psychologue ou une conseillère conjugale. Si elle s’adresse à un centre d’IVG hospitalier, l’entretien aura lieu dans le service où elle s’adresse. Si c’est dans une clinique, il aura lieu en ville.

Le médecin doit informer des risques biologiques et psychologiques de l’avortement et remettre un dossier-guide remis à jour par la DDASS. Ces risques s’avèrent dans les faits quasiment nuls, au pire une aspiration complémentaire est nécessaire. Nous ne voulons en aucun cas cautionner une culture de la contre-indication et du risque. Chaque centre a son expérience et sa pratique d’où l’importance du travail en réseau et d’initiative type « Assisses Régionales ». Le remboursement se fait à 80 % du tarif de base par la sécurité sociale. Lorsque la femme se trouve dans une situation difficile elle peut demander l’admission à l’aide médicale, afin d’obtenir la gratuité de l’IVG en s’adressant au service de la DDASS.

La loi de 2001 permet aussi l’IVG médicamenteuse en ville. Le vendredi 26 novembre 2004 Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé, a signé une circulaire permettant le remboursement des IVG par médicament prescrite par un médecin de ville dans certaines conditions.

 

Il est important d’avoir légiféré. La médicalisation de l’IVG s’accompagne d’une réduction de la mortalité féminine.

La plupart des législations qui ont abouti dans le monde, à la médicalisation de l’IVG, se sont fixés pour objectif la réduction des conséquences néfastes de tout ordre liées aux pratiques illégales de l’avortement.

 

              Conquis de hautes luttes par les femmes, le droit à l’avortement est plus que jamais menacé. La loi Bachelot marque une nouvelle et forte dégradation de la santé publique. Au fur et à mesure des restructurations des hôpitaux, nous assistons à la réorganisation des services publics hospitaliers avec réduction drastique de personnels et, dans la plupart des cas, fermetures des centres IVG. Onze centres sont menacés dans les mois qui viennent ! Plus de 5000 femmes par an se rendent à l’étranger pour avorter. Cette remise en question des droits des femmes à l’échelle de l’Europenécessite de penser des actions communes.

 

 

B) TECHNIQUES DE L’IVG

 

         L’accueil quelque soit l’IVG, pour chaque femme différente est fondamental. Il faut veiller à la qualité de la voix au téléphone, à la disponibilité, savoir proposer un entretien qui n’est pas obligatoire, être formé pour répondre aux premières questions pour orienter de la façon la plus judicieuse possible. Ceci entre dans le cadre de l’accompagnement et de l’approche psychologique que nous verrons en troisième partie.

Elle est arrivée à jeun à huit heures. On lui donne deux comprimés de Cytotec à 8h30. Elle entre au bloc entre 10h00 et 11h00 où elle reste entre dix et quinze minutes.

 

                   I – Par aspiration

         Que ce soit sous anesthésie locale ou pas ou sous anesthésie générale la technique est la même.

        Il n’y a pas de contre-indication à l’IVG par aspiration. Il n’y a que des précautions (Rhésus négatif, allergies, diabète, traitement anticoagulant, antécédents thromboemboliques, traitement anti-infectieux). Ceci est très important pour le droit des femmes à disposer de leur corps. Un médecin qui refuse de pratiquer une IVG en vertu de la clause de conscience doit indiquer à sa consultante là où elle pourra être prise en charge en toute sécurité.

 

-      Prémédication : Cytotec : deux comprimés la veille entre 22h00 et 23h00 (possibilité de saignements non graves mais pouvant être importants voire même de fausse-couche). Certaines équipes la réalise en utilisant de la Mifégyne. Le protocole est plus contraignant.

-      Avec ou sans AL : la prémédication est complétée de différentes manières selon les équipes. L’AL chez nous est pratiquée par injection de 1cc de xylocaïne (attention aux allergies) à 17h00 et à 19h00 ce qui représente non pas un horaire mais deux lieux d’injection autour du col utérin. Signalons le travail intéressant de certaines équipes qui pratiquent l’anesthésie de l’endocol.

Le MOPEA est à l’étude.

 

-      Dilatation : - nulle.

- De Hegar entre douze et quatorze semaines (auparavant Dosace).

 

-      Aspiration : mise en place directe ou non de la sonde d’aspiration qui est reliée à une pompe assurant le vide. Le placenta est ainsi décollé et non cureté ce qui est moins traumatisant pour la muqueuse utérine. On ne voit quasiment plus de synéchies. On complète l’aspiration avec une vacurette souple. On vérifie si le volume correspond à l’âge de la grossesse (parfois nécessité d’une échographie de contrôle au bloc en fin d’intervention surtout entre douze et quatorze semaines).

 

On laisse la femme se reposer.

 

L’intervention en elle-même dure en moyenne cinq minutes. En cas d’AG elle reste en salle de réveil environ trente minutes avant de retourner dans la chambre.

La dame sort du service entre 13 et 14 heures pour les AL ; 16 et 17 heures pour les AG, on lui prévoit une visite de contrôle quinze jours après. On lui prescrit une contraception : le stérilet Mirena (même chez une nullipare) et l’Implanon peuvent être posés au bloc juste à la fin de l’intervention, les OP et les progestatifs sont pris le soir même.

 

                   II – L’anesthésie

 

         L’anesthésie générale et la rachianesthésie sont indiquées dans les cas suivants :

-      à la demande des femmes.

-      Pour les douze quatorze semaines pour la plus part des cas.

-      Les mineures qui demandent l’aspiration.

-      Les cas psychiatriques, les situations de violence (viol, inceste).

 

III- L’IVG médicamenteuse.

 

a)     A l’hôpital

Cette technique est une alternative à l’aspiration dite IVG chirurgicale proposée aux femmes dans notre centre jusqu’à 58 JA, 8 SA. Je travaille à une extension à 9 SA. La loi prévoyait 7 SA ;

L’écho doit absolument éliminer une grossesse G.E.U en visualisant une vésicule vitelline dans un sac intra-utérin.

On utilise deux produits à 48h ou 72h d’intervalle pour déclencher une fausse couche. Actuellement on discute beaucoup pour évaluer la douleur on entend tous les sons de cloches. Notre expérience nous permet de dire qu’il ne faut surtout pas minimiser la douleur (elle existe à des niveaux divers en fonction du profil psychologique et surtout de la qualité de l’accueil qui ne doit en rien précipiter la décision ou la retarder). Si il ne faut surtout pas dire à la femme qu’elle ne va rien ressentir il ne faut pas non plus lui annoncer des douleurs que vous êtes seul à pronostiquer. Incontestablement l’IVG médicamenteuse satisfait la plupart des femmes c’est la situation d’échec qu’est l’IVG que les femmes vivent mal. Toute douleur peut être alors amplifiée du fait de l’anxiété.

 

On utilise disais-je deux familles de médicaments : une anti-hormone et une prostaglandine. L’anti-hormone est un anti-progestatif qui interrompt la grossesse en 36 h : c’est la Mifégyne. L’efficacité de la technique est grandement améliorée par l’adjonction d’une prostaglandine, le Cytotec. Le taux d’échec selon les centres varie de 5% à 1.5% (à Amiens). Sans le cytotec 80% de fausses couches.

1ER temps : une consultation

Contre indication à l’IVG médicamenteuse :

Insuffisance surrénale chronique ; méfiance vis-à-vis des corticothérapies ;

Allergie connue à la mifépristone ou à l’un des constituants du comprimé ;

Asthme sévère non équilibré par le traitement ;

Porphyrie héréditaire ;

Hypersensibilité au misoprostol ou à l’un des excipients ;

Antécédents d’allergies aux prostaglandines ;

Un traitement anticoagulant ;

Anémie profonde ;

Grossesse extra-utérine ;

Stérilet en place ;

Insuffisance hépatique, rénale, malnutrition.

Patiente ne comprenant pas les informations, fournies ambivalence, besoin d’un délai de réflexion plus long, impossibilité d’une visite de contrôle.

Prophylaxie des phlébites : la question n’est pas tranchée

Diabète type I : risque de décompensation.

 

 

                          BETA HCG.

                          On vérifie l’écho.

                          On traite les nausées.

                          On donne 1 comprimé de

Mifégyne à 200mg.

                         On reconvoque la dame deux ou trois jours après en la prévenant que dans 10% des cas à peu près elle peut faire sa fausse couche à domicile.

 

2ème temps : hospitalisation de 8h à 14h.

Chambre individuelle. Risque  d’être remise en cause avec la restructuration au Sud.

                          Pas besoin d’être à jeun.

Si FC a eu lieu à domicile on vérifie.

                         A 8h deux comprimés de Cytotec.

                         A 10h30 la plupart des dames n’ont pas expulsé et l’on redonne deux comprimés de Cytotec. On peut-être confronté à une hTA orthostatique (attention aux chutes) diarrhée, coliques, frilosité.

                          13h 14h tout le monde sort. 15% des femmes n’auront pas expulsé. Elles auront un BETA HCG à j 10.

                          Les OP sont commencés le soir même.

                          L’implanon est posé avant la sortie si l’expulsion a eu lieu.

                          Le stérilet est toujours posé le mois suivant.

                          Une visite de contrôle est préconisée au 15ème jour.

 

 

                                                  ANNEXE 1

  ivg 001

 

 

 

 

  

b)     A domicile

 

ivg 001-copie-1

 

On peut désirer une grossesse sans désirer un enfant. L’entretien qui n’est pas obligatoire doit être proposé. Pour nous il n’influence jamais la décision. La femme est responsable. Le problème des mineures est un sujet très important que madame Dorival connaît très bien. Un centre comme le notre c’est une équipe qui se forme mutuellement. C’est pourquoi j’ai tenu à ne pas monopoliser le crachoir comme on dit dans mon pays. Je passe donc la parole à madame Dorival après avoir répondu à quelques questions sur la première car je vais devoir vous quitter avant la fin comme je l’avais prévu.

 

                                                       Dr P.KACZMAREK

 

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Pour tout renseignement actualisé consulter le site de l’ANCIC ancic.asso.fr

Publié dans SANTE

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