Discours du 10 novembre 2019 - Saint Ouen (80)

Publié le par Patrick Kaczmarek

Discours du 10 novembre 2019 - Saint Ouen (80)


Nous sommes une nouvelle fois réunis devant ce monument aux morts pour rendre hommage à Gustave HATRON, soldat de l’armée française fusillé pour l’exemple le 27 juin 1917 pour avoir participé activement aux manifestations pacifistes de soldats des 1er et 2 juin 1917 à Ville en Tardenois où il a été vu en tête d’une manifestation portant un drapeau rouge qu’il refuse de ranger, malgré les injonctions de son chef de corps. Gustave HATRON est né à Ville Saint Ouen le 17 février 1898. Il s’engage volontairement à 17 ans en 2015. Il participe à la bataille de la Somme en 1916. Il y est blessé au cours d’une offensive le 15 septembre à Curlu et il est évacué jusqu’au 28 octobre 1916. Son père, François HATRON, incorporé à l’armée dès le début du mois d’août 1914, est mort en captivité le 18 novembre 1918 à l’Hôpital militaire de Namur.
En mai-juin 1917, des mutineries de soldats éclatent sur le front, dans la Marne et dans l’Aisne en particulier.
Elles font suite aux carnages des offensives meurtrières et sans résultat des batailles de Verdun et de la Somme en 1916 et de l’offensive désastreuse de Nivelle au Chemin des Dames d’avril 1917. De cette initiative, 200 000 soldats ne se relèveront pas. De nombreuses mutineries éclatent peu après sur le front. Les soldats de plusieurs bataillons refusent de monter au front. Individuellement, puis collectivement, les soldats condamnent la guerre. Ils manifestent, revendiquent des permissions, exigent la signature de la paix, contestent les ordres.
Ces mutineries interviennent également au moment où un vent de liberté s’est levé à l’Est depuis la révolution de février en Russie qui a balayé le régime tsariste. Le corps expéditionnaire de soldats russes qui participent à l’offensive Nivelle remettent en cause l’autorité de leurs supérieurs. Ces soldats seront transférés au camp de la Courtine dans la Creuse en juin où ils continueront de refuser d’obéir à leurs officiers et créeront des soviets. Cette mutinerie sera aussi réprimée dans le sang en septembre1917.
Nous sommes réunis aujourd’hui devant ce monument pour rendre hommage à l’ensemble des 639 soldats, officiellement recensés, qui ont été fusillés pour l’exemple pendant la guerre de 1914-1918 et nous exigeons que l’Etat les réhabilite collectivement.
Dans le département de la Somme, une quarantaine de soldats ont subi ce terrible sort et nous avons rendu hommage ces dernières années à certains d’entre eux :
- Jean Julien CHAPELANT, fusillé le 11 octobre 1914 au bois des Loges à Beuvraignes ;
- Les frères LAFAQUIERES et Jean CHANTEGREIL, fusillés le 12 octobre 1914 à Bouchoir ;
- François GIUDICELLI, fusillé à Caix le 20 juin 1915 ;
- Mathieu GASPAROUX, fusillé à Villers Bocage le 30 juin 1915
- Philippe DALEN, fusillé à Rosières en Santerre le 27 mai 1916
 En demandant que l’Etat réhabilite collectivement ces soldats, nous sommes les continuateurs du combat pour la paix, mené par les associations d’anciens combattants et de défense des droits de l’homme qui, entre les deux guerres, oeuvraient eux aussi à la réhabilitation des soldats fusillés et pour que cette guerre soit la « der des der ».
Nous sommes réunis enfin aujourd’hui devant ce monument pour dire non à la guerre, à toutes les guerres, celles d’hier comme celles d’aujourd’hui. L’esprit de la mitraille, le sens de la caserne, le sang de la guerre ne peuvent constituer le présent ou l’avenir de l’Humanité.
En refusant de réhabiliter de la guerre 1914-1918, en exportant massivement des armes dans de nombreux pays du monde, en intervenant militairement en Afrique ou au Moyen Orient, l’Etat français poursuit cet esprit de mitraille évoqué plus haut.
13 000 soldats français sont déployés à l’étranger, toutes missions confondues, principalement dans des opérations extérieures, les OPEX, ou dans le cadre de forces de présence.
Plus de 9 milliards d’€ d’armes ont été vendues à l’étranger en 2018, en augmentation de 30 % par rapport à 2017. Les clients les plus importants sont, dans l’ordre décroissant : l’Inde, l’Arabie Saoudite, le Qatar, le Brésil.
Certaines de ces armes sont utilisées dans des conflits contre les populations civiles. C’est le cas au Yémen par exemple, où des dizaines de milliers de civils ont été massacrés où des millions de yéménites sont affamés.
Si la Turquie a utilisé des chars allemands, des hélicoptères italiens ou des missiles norvégiens contre les kurdes, des radars français équipaient des avions patrouilleurs.
Le budget de la défense de la France ne cesse d’augmenter. Déjà en progression de 1,8
milliards d’€ en 2018 par rapport à 2017, il l’a encore été de 1,7 milliards d’euros en 2019. Cette augmentation devrait donc encore se poursuivre, l’objectif étant d’atteindre 2% du PIB en 2025.
Libres penseurs, pacifistes, antimilitaristes, il nous revient de poursuivre le combat contre la guerre.
Ensemble, exigeons l’arrêt de toutes les opérations extérieures, menées en continuité par les présidents Sarkozy, Hollande, Macron ; les mêmes qui dans la même continuité ont refusé de réhabiliter les Fusillés pour l’exemple !
Ensemble, exigeons l’attribution des crédits militaires aux budgets des services publics, à
l’école et à l’université, à la santé, à la culture !
Réhabilitation collective des Fusillés pour l’exemple !
Maudite soit la Guerre !
Guerre à la guerre !

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